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Ce mois-ci, Maître Martin-Staudohar, spécialiste en droit du travail et formée à la règlementation des risques psycho-sociaux, répondra à la question :
Comment faire la preuve de l’inégalité entre hommes et femmes en matière salariale ?
Le cas d’une employée qui gagne moins que son collègue masculin
Marie qui travaille depuis 10 ans à la boulangerie « AU BON PAIN » en tant que boulangère est employée comme ouvrière qualifiée alors que son collègue masculin est lui agent de maitrise et gagne 500 € de plus qu’elle par mois alors qu’il a été embauché, il y a 5 ans.
Evidemment, la direction ne veut pas l’augmenter malgré ses demandes.
Marie ne sait pas comment faire car le seul moyen de prouver ce qu’elle dit serait de se servir du bulletin de paye de son collège qui bien sur ne lui donnera pas.
Elle va voir un avocat et lui expose la situation. Celui-ci lui propose de demander en procédure d’urgence référé devant le conseil de Prud’hommes, la communication des bulletins de paye de son collègue et sur la base de ceux-ci de demander les rappels de salaires sur les trois dernières années plus les préjudices au titre de la discrimination homme/femme depuis 5 années comprenant l’absence de cotisations au régime de retraite sur les salaires qu’elle aurait dû percevoir.
Mais le principe de l’égalité entre hommes et femmes c’est quoi ?
En droit interne, le principe d’égalité entre les hommes et les femmes se combine avec l’interdiction des discriminations sexuelles. Il s’articule autour des six axes suivants :
-les salaires :« Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes » ( trav., art. L. 3221-2).
-le recrutement et la mixité des emplois ;
-le déroulement des carrières et notamment la promotion et la formation professionnelle ;
-l’accès aux fonctions syndicales et électives ;
-les conditions de travail ;
-les obligations familiales.
Mais cela signifie-t-il que toute différence de rémunération par exemple constitue une atteinte au principe d’égalité ?
NON, le principe d’égalité n’est pas incompatible avec des différences de rémunération dès lors qu’elles sont justifiées par la situation particulière des salariés tels que le rattrapage des périodes de maternité, ou par des éléments objectifs et non discriminatoires.
Le principe d’égalité des rémunérations entre hommes et femmes, suppose que les travailleurs masculins et féminins se trouvent dans des situations comparables.
Comme pour les salariés de même sexe, les différences de salaire entre femmes et hommes sont licites si elles reposent sur des éléments contrôlables et de nature à justifier leur bien-fondé (Cass. soc., 28 nov. 2000, no 97-43.715 et no 99-41.661 ; Cass. soc., 19 déc. 2000, no 98-43.331).
Ce n’est pas le cas, lorsque que les hommes occupés du même emploi sont systématiquement payés davantage et que cette différence ne s’explique par aucun élément objectif (Cass. soc., 12 févr. 1997, no 95-41.694).
Ou lorsque les hommes bénéficient presque tous d’un coefficient plus élevé que les femmes, sans que l’employeur justifie cette différence par des raisons objectives (Cass. soc., 19 déc. 2000, no 98-43.331).
La différence de rémunération ne doit pas reposer sur des critères objectifs qui seraient directement ou indirectement discriminant.
Ainsi, une prime de Noel non versée aux salariés en congé d’éducation a un caractère discriminant car le plus souvent se sont les femmes qui en sont bénéficiaires.
OUI mais comment on prouve l’inégalité entre les hommes et les femmes ?
Par la production forcée des bulletins de paye des salariés occupant des postes de niveau comparables au sien.
L’employeur ne peut il pas s’y opposer en alléguant que les données figurant dans les bulletins de paye portent atteinte à la vie privée des autres salariés ?
NON :
La Cour de cassation a approuvé la cour d’appel de Paris qui a ordonné à l’employeur de communiquer à une salariée les bulletins de salaires de collègues occupant des postes de niveau comparable au sien avec occultation des données personnelles à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle et de la rémunération, après avoir relevé que cette communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi ; à savoir la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.
Cass. soc., 8 mars 2023, no 21-12.492, arrêt no 231FS-B